mercredi 29 octobre 2014

Mommy

De Xavier Dolan, 2014.


Du prémâché à l'auto digestion instantanée


Steve est un adolescent de quinze ans au tempérament maladivement excessif, tantôt agressif et tantôt charmeur.
Sa mère, Diane, est une belle veuve, jeune encore, gouailleuse et passablement vulgaire, dotée d'un caractère bien trempé.
Une voisine, Kyla, petite bourgeoise mal dans sa peau qui va temporiser et permettre à ce trio étrange de fonctionner un temps presque normalement, dans cet équilibre somme toute précaire.
Quelques débordements, un démêlé avec la justice.
Voilà tout.
Le point très positif du film est l'utilisation de l'argot québécois, le joual, de façon extrêmement cocasse et outrancière, particulièrement bien exploité ici.

Xavier Dolan a choisi de situer cette histoire dans un futur très proche dans lequel l'Etat du Canada autoriserait un parent désespéré à abandonner son enfant au service public hospitalier.
Cette loi extrémiste, n'étant là que pour appuyer le mélodrame de façon artificielle, n'apporte pas grand chose au film déjà bourré à craquer de pathétisme démesuré.

Pour entériner sa rhétorique très colorée et surchargée d'arguments ampoulés, Dolan nous abreuve d'une discographie ultra populaire des plus galvaudées. Des plus navrantes. Nous - la plèbe, inculte par définition, nourrie dès notre plus jeune âge à coup de Cécile Dion, d'Oasis et autres supercheries sucrées bons marchés à avaler tout rond les yeux fermés en guise d'anesthésiant, dont nous faisons notre patrimoine culturel -, sommes censées nous identifier à ces archétypes, sans jamais nous rebeller donc.

Ce film est à l'image de Dolan : attachant certes, excessif bien sûr, à l'émotivité exacerbée, à la jeunesse en bandoulière. Alors, oui, le travail est bien fait et on lui pardonne certains débordements d'une hardiesse encore juvénile par endroit et un brin arriviste.
Mais c'est aussi un objet terriblement prétentieux qui transpire l'ego surdimensionné, pétri de bonnes intentions démagogiques. Un penchant un peu dangereux dans le genre "rabatteur de foule", très troublant pour son jeune âge.

Dolan est donc un instinctif doublé d'un intuitif. Et le traitement original et ultra moderne de ce drame familial aurait sans doute pu convaincre et séduire sans réserve.
Il sait ce qu'il faut faire pour plaire à la masse. Pour provoquer sans offusquer. Pour faire réagir sans faire de vagues. Pour faire semblant de dire ou de dénoncer.
Pour gravir les marches quatre à quatre.
Pour ne rien dire mais le dire très très fort et de façon si novatrice que, l'espace du film, la forme parvient à supplanter l'absence de fond.
Il surfe adroitement sur ce raz-de-marrée du "nouveau cinéma français" dont il maîtrise les codes avec maestria : des émotions coup-de-poing, le prolétariat comme terrain de jeu, la résilience en porte-drapeau toile de fond à défaut de culture, pour spectateur éduqué à la télé réalité, la surconsommation de l'"amour", le tout tout-de-suite surtout très vite et très fort. L'étourdissement avec des chimères, le remplissage vain. Et puis plus rien.

En tentant de bousculer le langage cinématographique, et avec lui notre étroitesse de vue embourgeoisée, Dolan adhère à cent pour cent aux desideratas ambiants. Il obtient donc un vingt sur vingt à sa copie. Où rien n'est laissé au hasard, de sorte qu'il est impossible que le spectateur est un avis objectif, et encore moins subjectif. Les émotions calibrées et orchestrées, identiques pour chacun de nous, sont parfaitement calculées. Aucune expérience ni réflexion ne peut naître de ce cinéma car tout est organisé de façon millimétrée. Seul existe un bruit incessant, peut-être enivrant.
Un peu comme devant un feu d'artifice, ou dans une fête forraine. Un truc qui fonctionne en surface, qui sonne creux. On en prend plein les mirettes. Le grand huit nous procure un tourbillon assez magique d'émotions factices variées dont on ressort légèrement ahuri. Un instant chancelant. Que s'est-il passé ? Rien en fait. Plus rien.

Xavier Dolan est donc est excellent technocrate de l'émotion mécanique.
On passe un moment plutôt agréable, sans dérangement fondamental. Et probablement que ça peut être ça, aussi.
Une truffe aux aspérités lissées.
Une pochette surprise.
Un diable en boite.

Une barbe à papa.

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